LES SCENARIs POSSIBLES POUR LA SAVOIE

L’article premier de la Constitution dit que la France est une république décentralisée. Dans la Constitution, les principes de subsidiarité et d’autonomie fiscale des collectivités sont également affirmés, mais bien peu appliqués. Les possibilités de fusion de départements ou de régions sont organisés par la loi de 2010. Les collectivités peuvent donc, si elles le veulent, prendre un peu d’air et d’autonomie. Elles peuvent faire valoir leurs différences en se lançant dans des expéri- mentations, en appuyant leurs initiatives sur la consultation de la population (référendum). Elles peuvent aujourd’hui ajuster leur organisation territoriale par l’éventuelle création de collectivités nouvelles ou regroupements. La Savoie ne se reconnaît pas dans la région Rhône-Alpes Dès sa création la région Rhône-Alpes est apparue à tous comme une région tout à fait arti- ficielle. «La région Rhône-Alpes actuelle par son étendue et la diversité de ses territoires, qui ne s’appuie de surcroît sur aucune réalité historique ou géographique, ne permet pas une bonne prise en compte des problèmes spécifiques d’une région de montagne et frontalière. » Michel Bouvard, député UMP de Savoie. Malgré les quelques efforts faits par les services régionaux, les savoyards ne s’identifient pas du tout à cette entité. Pour eux, le « rhônalpin » est un mot vide de sens. Au-delà de la légitimité totale de la démarche engagée par la Savoie pour faire évoluer le découpage territorial, nous nous sommes confortés par les évolutions légales, mais également par un soutien populaire (sondages favorables) et des élus de base qui étaient motivés (vote du 05/12/2002). Les sondages : Dans le dernier sondage déjà ancien, (août 2000) effectué par l’IFOP sur ce sujet, 55% des savoyards se disaient favorables à une fusion des deux départements au sein d’une Région Savoie qui se séparerait de la région Rhône-Alpes. 64% des savoyards estiment qu’il faudrait organiser un référendum pour constituer cette Région Savoie. 74% des sondés excluaient l’idée d’une indépendance de la Savoie.] Mais aurions-nous les mêmes résultats aujourd’hui ? 5 LES SCENARIs POSSIBLES POUR LA SAVOIE Scénario 1 fusion des deux départements en une collectivité à statut particulier (art.72 de la constitution) et à compétences spécifiques (éventuellement à titre expérimental, dans le cadre constitutionnel actuel de l’expérimentation). C’est le projet qu’avait proposé Hervé Gaymard de « Conseil des Pays de Savoie ». L’Alsace a retenu également cet intitulé de « Conseil unique d’Alsace ». Nos deux départements, qui sont déjà unis au sein de l’assemblée des pays de Savoie (APS) à laquelle ils ont délégué depuis 2001 quelques compétences, ont été sur le point de fusionner, à plusieurs reprises depuis deux ans. A chaque fois, ce sont des raisons conjoncturelles qui ont fait reporter le projet. Les compétences de ce Conseil des Pays de Savoie seraient celles des départements et une partie de celles des régions. Il faudrait attendre que la nouvelle loi soit votée pour connaître quelles seront les compétences « flèchées » ou exclusives des différentes collectivités... Cette fusion nécessite un vote des deux assemblées dans les mêmes termes, puis un refe- rendum et enfin une loi. Or, les referendums ne sont pas autorisés pendant l’année qui précède des élections générales ; et les créneaux sans élections sont plus rares que les périodes avec élection. Ce projet pourrait donc être mis en œuvre avant mars 2013 car ensuite, les élections vont se succéder à un rythme rapide. Parmi nos suggestions, nous proposerions que soit intégré dans le prochain projet de loi deux clauses : l’une qui ramène de un an à six mois de proximité des élections le délai pour faire un referendum et l’autre, que soient assouplies les règles de fusion de collectivités. Une expérimentation ? La question s’est également posée de considérer cette opération comme une expérimentation. (Voir ci-dessous) Scénario 2 Une Région Savoie à part entière, soit après le processus de fusion des deux départements, soit après « évaporation » des départements. C’est le projet du MRS depuis 40 ans. Le MRS se doit de le présenter car il a été porté éga- lement par des personnalités de droite et de gauche, de façon transversale pendant longtemps. Cette solution est la plus novatrice : elle consistera à regrouper les deux départements dans une collectivité territoriale qui aura la nature d’une Région à part entière. Cette collectivité sera donc une novation de notre droit dans le fil direct de la modification constitutionnelle de 2003. Cette Région d’un nouveau genre cumulera l’ensemble des compétences départementales et régionales. Le statut qui conviendrait sans doute le mieux à la Savoie serait celui que Monsieur Raffarin, premier ministre, avait proposé à la Corse en 2008, qui donnerait un résultat très proche de celui dont se dote aujourd’hui l’Alsace, à savoir une région ou une collectivité spécifique ayant les compétences d’une région, sans département. L’avantage de cette expérimentation, si c’est cette procédure qui est retenue, est de construire une architecture institutionnelle très simplifiée, qui réduit le nombre de ni- veaux du millefeuille. Cette architecture pourrait servir de modèle pour une suppression progressive des départements. Ce sera un véritable saut d’efficacité institutionnelle et peut-être un modèle pour l’avenir. 6 QUELLE PROCéDURE ? Il résulte des textes qu’une simple loi peut décider de la création de la région Savoie ; c’est la procédure qu’avaient empruntée Michel Bouvard et Bernard Bosson en 1998 en déposant un projet de loi. (voir l’argumentaire fait au Sénat, en support de cette proposition de loi, par J.P. Amoudry, sénateur de Haute-Savoie) Rappelons aussi l’article L4111-3 du code général des collectivités locales qui prévoit que « la création et l’organisation des régions en métropole ou outre-mer ne portent atteinte, ni à l’unité de la République, ni à l’intégrité du territoire ». En vertu de l’article L4122-1 du même code, les limites territoriales des régions (ainsi que leur nom - article L 4121-1) sont modifiées par la loi sur proposition et après consultation des conseils régionaux et généraux intéressés. Aucune collectivité n’exerçant une tutelle sur une autre (alinéa 4), la région Rhône-Alpes ne pourrait pas s’opposer à la décision de deux départements de prendre leur autonomie. La création d’une région uni départementale pourrait aussi entrer dans la catégorie des collec- tivités territoriales à statut particulier et, de ce fait, correspondre à l’alinéa 5 ; la loi qui la créerait pourrait alors décider une consultation qui pourrait être le référendum. La méthode expérimentale pourrait-elle s’appliquer à la création d’une région sans dépar- tement ? Stricto sensu, l’expérimentation concerne l’exercice des compétences par une collectivité. Deux catégories d’expérimentation sont prévues par la loi organique : • Expérimentations-transferts de compétences (cela concernera la période post-création de la Région Savoie) • Expérimentations-dérogations : elle pourrait concerner par exemple une dérogation sur la composition d’une assemblée ou d’un exécutif d’une région unidépartementale ou le fait de regrouper les compétences départementales et régionales dans une même entité. La loi organique prévoit quelques interdictions pour l’expérimentation (touchant aux libertés publiques ou aux affaires de personnes), cela semble signifier que tous les autres domaines sont accessibles à l’expérimentation, sur proposition des collectivités concernées. De toutes façons, le vote d’une loi d’habilitation préalable à l’expérimentation est nécessaire. Cette expérimentation préfigurerait ce que pourrait être une région unidépartementale et l’expé- rience vécue en Savoie permettrait de valider son extension à d’autres régions françaises. Nous aurons enfin un dernier argument pour attester que l’expérimentation est possible en matière territoriale puisque, en Savoie même, depuis 11 ans, les Conseils généraux des deux départements ont créé une structure nouvelle , l’Assemblée des Pays de Savoie à laquelle ils ont conféré un bureau, une assemblée (l’ensemble des conseillers généraux) et délèguent des compétences (Université, tourisme, culture..). Ce fut un magnifique exemple d’expérimentation d’une structure novatrice : c’est donc possible. Selon notre point de vue, une loi habilitant les deux départements de Savoie à se re- grouper pour constituer et expérimenter une région unidépartementale est donc parfaite- ment constitutionnelle et possible pour autant que les collectivités concernées (les deux départements), en fassent la demande

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